FORMATION POLITIQUE ; CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE.
INTRODUCTION
En 1960 le Peuple Malien a proclamé son indépendance. Il a aussitôt mis en place une Assemblée Nationale qui a élaboré une législation conforme à sa culture, à son histoire, à ses valeurs civilisationnelles. C'est dans ce cadre que le Code Malien du Mariage et de la Tutelle a été adopté en 1962.
Les conditions dans lesquelles ce document important a été élaboré montrent suffisamment le respect que les autorités de l'époque avaient pour le Peuple Malien. En effet, des dispositions avaient été prises afin que dans les 10 000 villages du Mali, une copie du projet parvienne et que suite aux discussions, les propositions et les amendements soient retenus. Les autorités des régions, des cercles et des arrondissements ; les sections, sous-sections et comités du Parti USRDA, ont constitué des délégations qui ont discuté avec la population, dans les villages, dans les quartiers de villes, dans les campements nomades et cela en langues nationales. Le travail de transcription de nos langues n’était pas encore achevé, mais c'est dans nos langues que le Peuple Malien a discuté.
Quand les dossiers sont remontés de la base à la direction du Parti d'abord, puis au niveau du gouvernement et enfin à l'Assemblée Nationale, les débats consistaient principalement à effectuer des synthèses intelligentes, respectueuses des avis de la population. On estimait qu’il ne peut rien y avoir de plus que l’intelligence collective du Peuple. C’est le respect de ce principe et la mise en œuvre conséquente des activités de la base au sommet c’est-à-dire, des villages, des quartiers de villes et des fractions a l’Assemblée Nationale qui a fait du Code de 1962 une loi acceptée avec enthousiasme.
C'est pourquoi le code de 1962, n'a fait l'objet d’aucune contestation, et il a été salué même dans ses aspects les plus novateurs. Témoin le morceau de musique intitulé Bambo, interprété par une pionnière de l'époque (Tata Kouyaté) au cours d’une compétition artistique entre les quartiers de Bamako. Ce qui lui a valu une notoriété telle, qu'elle a bâti sa carrière dessus, prenant même le nom de Tata Bambo.
Comment cela se fait-il qu’aujourd'hui 25 septembre 2009, dans le cadre d'une démocratie pluraliste, avec plus de 120 partis, des milliers d'associations de femmes, des milliers d'associations de jeunes, des centaines d'O.N.G., des centaines de structures décentralisées, des dizaines de radios de proximité, aujourd’hui disons-nous :
- Rares sont les cadres y compris les décideurs politiques qui ont effectivement lu le code,
- Rares sont les parlementaires qui l’ont entièrement lu,
- Rares sont les femmes qui l’ont lu ou qui en ont eu une traduction complète en langue nationale.
- À ma connaissance, aucune radio de proximité n’a procédé à sa lecture complète et à sa traduction en langues nationales dans une série d’émissions.
- Même la radio et la télévision nationales n'ont pas organisé d'émissions pour en diffuser le contenu dans sa totalité, ni en français, ni en langues nationales.
- Et dans aucune structure décentralisée (notamment dans les villages, quartiers, communes rurales et urbaines etc.), il n’a été fait aucun travail de communication systématique en direction de l’ensemble des populations.
- Il semble même que dans les Départements ministériels, il n'a pas été organisé de réunions au cours desquelles il aurait été effectué une lecture exhaustive commune du texte.
Or il est connu que les textes exclusivement en langue française ne sont pas à la portée de la majorité des Maliens, y compris les cadres supérieurs.
Beaucoup de personnes ont le texte du code dans leur ordinateur ou sur leurs clés USB. Mais la plupart ont des rapports mauvais avec la lecture. Quand on leur donne un texte écrit ou sur fichier électronique, il n'est jamais lu.
Donc aujourd'hui, aussi curieux que cela paraisse, tout le monde parle du code, tout le monde en discute, mais rares sont ceux qui savent de quoi il s'agit.
Le Code voté par l’Assemblée Nationale du Mali s’intitule :
CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE.
Dès ce niveau, la question qui se pose est de savoir si nous sommes dans la bonne direction.
Peut-on codifier les personnes ?
Peut-on décoder une personne ?
Dans quel autre pays du Monde existe un code des personnes ? Je fais abstraction des seuls pays francophones de l’Afrique de l’Ouest (Burkina, Bénin, Togo, etc) qui donnent l’impression de gérer des copier-coller directement importés de la même source.
Pourquoi dans le titre de ce texte a-t-on cité les personnes avant la famille ?
I LE LIVRE PRELIMINAIRE
1 l'article un de ce titre mentionne :
Article 1er : La loi assure la primauté de la personne.
C'est ici que l’on comprend pourquoi le mot personnes est placé avant la famille.
On parle de la primauté de la personne. Quand on cherche à comprendre cette expression, on découvre ceci : dans le dictionnaire Larousse la primauté se dit d'un domaine qui est premier, dont l’existence précède tout. La primauté est supérieure à la priorité. Exemple : cet homme veut avoir la primauté partout. Le lexique français dit que ce mot vient du latin primus qui veut dire premier.
Comment admettre que la personne est l'élément premier ; c'est-à-dire avant son père et sa mère, avant sa famille, avant la société dans laquelle il est né, avant la nature et les divinités que les hommes adorent.
Quelle est cette personne qui n'a pas été engendrée, qui prime tout ?
Comment admettre la notion de la personne dont l'existence se place avant la famille ?
Du point de vue philosophique, c'est adopter une position qui consiste à pousser jusqu'à l’absurde, les conceptions individualistes, en vigueur en Occident.
Or l'individualisme exacerbé est contraire à la conception communautaire de la société qui est généralement admise par les populations maliennes. C'est en cela que le premier point du Code des personnes et de la famille, celui qui s'affiche comme la notion centrale, l’épine dorsale autour de laquelle tout est bâti, est inacceptable pour la gestion des affaires du Peuple Malien.
Il est vrai qu’avec l'influence de l'Occident, l'individualisme pénètre notre société, mais est-ce que les conséquences en sont heureuses ? Quand dans certaines familles, du fait de l’individualisme de quelques membres, les frères s’ignorent ou se font la guerre, les parents sont abandonnés, les solidarités s’effritent, les sentiments s’émoussent, est-ce une bonne chose ? L'Occident lui-même déplore les méfaits de l'individualisme outrancier. Avons-nous raison de vouloir nous engouffrer dans une voie d’où les autres peuples et continents cherchent péniblement à se sortir ?
2, 3, 4, 5 6 : quand on analyse les notions indiquées dans la suite de l'article 1 jusqu'à l'article 6 :
(La loi) garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.
Article 2 : Chacun a droit à la protection de sa vie privée
Article 3 : Nul ne peut faire l’objet de discrimination en raison de ses caractéristiques génétiques
Article 5 : Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité de la personne humaine qu’en cas de nécessité médicale pour la personne.
Le consentement préalable de l’intéressé doit être recueilli, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir
Étant donné qu’on ne peut toucher au corps d’une personne que lorsqu’elle en donne l’accord, lequel accord n’est valable que pour l’adulte soit a 18 ans d’âge au moins, il apparaît évident que la circoncision des garçons est interdite à plus forte raison l'excision des filles. Veut-on faire du Mali un peuple de « bilakoros » ?
Par ailleurs, à travers la notion de discrimination en raison de ses caractéristiques génétiques les dérives homosexuelles sont protégées.
7 Article 12 : L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’information diligentées lors d’une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique.
Lorsqu’elle est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement préalable de la personne doit être recueilli.
En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides.
Dans ce cas, le consentement préalable et exprès de l’intéressé doit être recueilli.
Cet article prépare les articles consacrés à la recherche de paternité dont on verra plus tard l'aspect difficilement acceptable.
8 Article 25 nouveau : Les traités et accords internationaux relatifs à la protection de la femme et de l’enfant, dûment ratifiés par le Mali et publiés, s’appliquent.
Il n'est pas évident que tous les traités et accords internationaux ratifiés ne sont pas à remettre en cause. Aussi il est plus prudent de rédiger autrement cet article.
TITRE I : DES NOM ET PRENOM
9 CHAPITRE I : DU NOM
Article 29 : Le nom a pour objet d’identifier les membres d’une même famille.
Le nom dans notre pays recouvre une autre signification que celle qui lui est donnée ailleurs ; en Europe notamment. Le nom au Mali est le plus souvent un patronyme qui renvoie à l'histoire, à la philosophie, à des références sociétales. Quand on dit DIARRA, TRAORE, TOURE OU MAIGA, ce n’est pas la même chose que de dire DUBOIS ou PLENET. Diarra renvoie à l’Empire Bamanan, Touré au Mande ou a Askia Mohamed, Maiga à Hombori ou Gao etc. En bamanankan on dit «jamu». Donc cet article ne rend pas correctement l'idée de nom au Mali. C’est d’ailleurs sur des aspects aussi importants de notre sociologie que devaient porter les innovations dans un texte de cette nature.
10 Article 30 : Le nom s'acquiert par la filiation, le mariage, la décision de l'autorité administrative ou judiciaire.
L'acquisition du nom par le mariage est une notion étrangère à notre culture. Elle a été importée chez nous par la colonisation française. Madame UNE TELLE n’existe dans aucune de nos langues comme nom. Dans la quasi-totalité de nos sociétés, la femme ne change pas de nom suite à son mariage. Et cela constitue une notion importante, donc un plus qui renvoie au respect de la femme, au respect de son origine et à la vérité quotidienne. En effet, au cours des cérémonies de mariage, de baptême, les femmes mariées sont glorifiées à partir leur nom de naissance avant de faire référence au nom de leur mari. Comment les dirigeantes des femmes ont-elles pu laisser passer une idée aussi rétrograde par rapport aux positions égalitaristes qu’elles ne cessent d’afficher ?
11 CHAPITRE I : DES CONDITIONS DU MARIAGE
SECTION I : DE L’AGE REQUIS
Article 282 : L’âge minimum pour contracter mariage est fixé à dix huit ans.
Le Procureur de la République ou le Juge de Paix à Compétence Etendue selon la circonscription administrative concernée peut, néanmoins, par décision non susceptible de recours, accorder une dispense d’âge pour des motifs graves.
Il est évident que cela est erroné. Dans les conditions actuelles du Mali, il doit être permis à la jeune fille de se marier à 15 ans.
12 Article 511 : L’action en recherche de paternité est exercée contre le père prétendu ou contre ses héritiers ; à défaut d’héritiers ou si ceux-ci ont renoncé à la succession, elle est exercée contre l’Etat, les héritiers renonçant devant être cependant appelés à la procédure pour y faire valoir leurs droits.
Article 512 : L’action doit à peine de déchéance, être exercée dans les sept années qui suivent la naissance.
Toutefois, si le père prétendu et la mère ont vécu pendant la période légale de la conception en état de concubinage impliquant, à défaut de communauté de vie, des relations stables ou continues, l’action peut être exercée jusqu’à l’expiration des sept années qui suivent la cessation du concubinage.
Si le père prétendu a participé à l’entretien, à l’éducation ou à l’établissement de l’enfant en qualité de père, l’action peut être exercée jusqu’à l’expiration des sept années qui suivent la cessation de cette contribution.
Si elle n’a pas été exercée pendant la minorité de l’enfant, celui-ci peut encore l’exercer pendant les sept années qui suivent sa majorité.
Article 513 : Le tribunal peut, lorsqu’il accueille l’action, à la demande de la mère, condamner le père à lui rembourser tout ou partie de ses frais de maternité et d’entretien pendant les trois mois qui ont précédé et les trois mois qui ont suivi la naissance, sans préjudice des dommages -intérêts auxquels elle pourrait prétendre.
Article 514 : Le tribunal statue, s’il y a lieu, sur l’attribution du nom et sur l’autorité parentale, conformément aux articles 493, 494 et 565 du présent code.
Article 515 : La recherche de maternité est admise sous réserve de l’application de l’article 509.
L’enfant qui exerce l’action sera tenu de prouver qu’il est celui dont la mère prétendue est accouchée.
La preuve ne peut en être rapportée que s’il existe des présomptions ou indices graves.
Article 516 : Tout enfant né hors mariage dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie, peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de la conception.
L’action peut être exercée pendant toute la minorité de l’enfant ; celui-ci peut encore l’exercer dans les deux années qui suivent sa majorité si elle ne l’a pas été pendant sa minorité.
L’action est recevable même si le père ou la mère étaient au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage avec une autre personne, ou s’il existait entre eux un des empêchements à mariage prévus à l’article 290 du présent Code.
La recherche de paternité implique selon ces articles, le repérage des hommes qui ont vécu en concubinage ou en état d'adultère avec la mère de l’enfant. Au Mali, le seul fait de dire à quelqu'un d'aller interroger sa mère est une injure grave. Même si on ne dit pas sur quel sujet doit porter l’interrogation !
Et en admettant qu’une femme donne à son enfant la liste des hommes avec lesquels elle a vécu pendant la conception de celui-ci, que deviennent les rapports mère-enfant à partir de cette révélation ?
Imaginons que de telles situations se répandent dans tout le pays. Que deviendra la société malienne dans 20 ou 40 ans ?
13 DES DROITS DES PARENTS EN L’ABSENCE DE CONJOINTS SUCCESSIBLES
Article 768 : La loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder.
Cette assertion est très contestable
14 Article 770 : Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes.
Les principes de l'organisation de la société malienne sont en contradiction avec cet article. Jusqu'à preuve du contraire, les filles et les garçons jouent de rôles différents par rapport à la gestion patrimoniale des biens familiaux.
15 Article 1143 : Sont et demeurent abrogées toutes dispositions antérieures contraires au présent code, notamment :
- la Loi n° 62-17/AN-RM du 03 Février 1962 portant code du mariage et de la tutelle ;
- l’Ordonnance n° 26 du 10 mars 1975 complétant la Loi N° 62/AN-RM du 03 Février 1962 portant code du mariage et de la tutelle ;
- l’Ordonnance n° 73-036 du 31 Juillet 1973 portant code de la parenté ;
- la Loi n° 89- 06/AN-RM du 18 Janvier 1989 relative au changement de nom de famille ;
- la loi n° 06-024 du 28 Juin 2006 régissant l’état civil ;
- la Loi n° 62-18 A N-RM du 03 février 1962, portant code de la nationalité modifiée par la loi n° 95-70 du 25 Août 1995.
Cette décision doit être étayée par des explications précises, loi par loi.
CONCLUSION
Le peuple malien est musulman en majorité. Ses valeurs sociétales sont généralement de caractère communautaire. Doit-on et peut-on même lui imposer une législation d’inspiration essentiellement individualiste ?
Autrement dit, la majorité du peuple doit-elle subir la dictature d'une minorité d'intellectuels acculturés ?
Dans une circulaire ayant pour but de dégager pour les Magistrats, les officiers d’état civil et les maires, l’esprit du législateur de 1962, le Ministre de la Justice de l’époque indique que :
« …l’effort de rénovation doit s’inspirer des traditions, du droit musulman, du droit occidental, car évoluer n’est pas s’occidentaliser ni s’orientaliser, c’est surtout épurer les coutumes, les débarrasser de leur contenu barbare, les mettre en harmonie avec le développement social des populations.»(Code du mariage et de la tutelle 1962 : page 49)
C’est pourquoi à mon humble avis, le Code des personnes et de la Famille qui vient d’être voté dans un climat tendu recèle tellement de notions contraires à notre culture et à notre civilisation, contraires aux convictions religieuses de la majorité, contraires aux traditions et aux législations antérieurement adoptées, qu'il me semble plus sage, non pas de procéder à sa relecture, mais à son abandon pur et simple.
Les Maliens sont fondamentalement tolérants et ouverts. Je souhaite qu’avec l’aide de tous les patriotes, de tous les croyants, de tous les hommes de bonne volonté, Dieu Tout Puissant, dans sa miséricorde, ait pitié du Mali et le protège contre toute perturbation inutile et contre toutes sortes d’extrémismes.
Amen.
Bamako le 25 septembre 2009
Amadou Seydou Traoré.
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