FORMATION POLITIQUE : ROLE de L'ARMEE DANS L'HISTOIRE et dans les SOCIETES.
SOMMAIRE
I.- CONSIDERATIONS GENERALES
L'Evolution d'une Armée est conditionnée par un développement économique
a) - Diversité de l'armement, moyens mécaniques, électriques et radioélectriques, dépendent du niveau de la production.
b) - Influence de cette production sur le potentiel offensif et défensif de l’Armée et sur l’orientation de sa tactique et de sa stratégie.
L'Armée est une force de contrainte en politique intérieure, de violence et de guerre en politique extérieure
a) - Force de contrainte en politique intérieure
- Dans la nation (unité linguistique, territoriale, économique et constitutionnelle des antagonismes individuels et collec¬tifs peuvent exister.
- L'idée de la loi pour arbitrer et contraindre.
b) - Force pour la violence et de guerre en politique extérieure
- C'est la politique qui engendre la guerre et la délimite pour chaque cas particulier.
- La destruction des forces de guerre de l’ennemi est le but suprême des engagements militaires pendant les hostilités. Cette destruction engendre de nouvelles conditions politiques.
L'Armée n'a pas pour vocation originelle de produire des biens de consommation
a) - La production réelle, objective de l’ouvrier, du paysan, de l’artisan, de l’éleveur etc... comparée a celle de l'Armée.
B - La production subjective de la Force Armée; c'est-à-dire la sécurité intérieure et extérieure.
II.-EVOLUTION des ARMEES
a) - Les méthodes d’étude
b) - L'Armée dans la communauté primitive
- Le troupeau primitif
- Le régime des clans
- La démocratie militaire
c) L'Armée dans la société esclavagiste
• l'Armée de la cite ( Ex. SPARTE)
• l'Armée de l'Empire (Ex. EGYPTE)
• Rôle politique et social de l'Armée Antique
d) L'Armée dans la société Féodale
Définition
∑ Rôle de la cavalerie
∑ Rôle de l'Infanterie
e) L'Armée dans la société Impérialiste
∑ Isolement de l'Armée de la Nation
∑ Protection des biens acquis par l'impérialisme
∑ Hypocrisie de l’apolitisme l'Armée
f) - L'Armée dans la société Socialiste
• Le soldat citoyen
• Le soldat Militant
• En corrélation avec l’éducation militaire
• Le socialisme et ses finalités : la PAIX.
III - ROLE DE L'ARMEE dans L'HISTOIRE et DANS les SOCIETES
CONSIDERATIONS GENERALES
Avant d'étudier le rôle important que les Armes ont joué dans l’histoire des diverses sociétés, il nous a semble intéressant, pour une meilleure compréhension du sujet de dégager les caractéristiques générales communes a toutes les Armées de tous les temps.
Sans doute, suivant la période considérée de l’histoire des sociétés, certaines de ces caractéristiques apparaissent très clairement dans l'organi¬sation comme dans l’emploi tactique ou stratégique des Armées, tandis que d’autres bien que moins apparentes n’en existent pas au sein des groupes d'armes.
- L'évolution d'une Armée est conditionnée par un développement économique
L'organisation d'une Armée, sa composition, la diversité de l'armement de ses diverses parties, ses moyens mécaniques, électriques et radioélectriques de communication dépendent avant tout du niveau atteint par la production.
« C’est cette production qui détermine à la fois son potentiel offensif et défensif et oriente les formes tactiques et stratégiques d'emploi de l’Armée. Ce ne sont pas les libres créations de l'intélligence des capitaines de génie qui ont eu en cette matière un effet bouleversant. C'est l'invention d'armes meilleures et la modification du matériel humain qui restent déterminants.
Dans le meilleurs cas, l'influence des grands capitaines de génie se borne à adapter une méthode de combat aux armes et aux combattants nouveaux.
Le rythme des progrès des moyens de combat est en raison directe de
vitesse avec laquelle apparaissent les découvertes scientifiques. Il en résulte qu’une arme qui aujourd'hui donne toute satisfaction peut, par l’apparition sou¬daine un nouvel engin se trouver entièrement surclasse et perdre sa valeur.
En réalité, lorsque deux Armées sont engagées dans une lutte, la victoire appartient à celle qui aura réussi à créer chez l'autre un déséquilibre fatal.
En manoeuvre stratégique classique, il faut par des mouvements de force, engendrer ce déséquilibre qui entraîne la rupture, la dislocation et l’anéantissement de l’ennemi.
En manoeuvre industrielle, il faut des productions de guerre en armes, munitions et équipements divers en quantité telle qu'un déséquilibre se produit au détriment de l’ennemi.
Ces deux notions introduisent une troisième possibilité de manoeu¬vre, celle de la recherche et des études pour réaliser des Armes nouvelles qui surclassent l'adversaire au point de créer à ses dépends le déséquilibre fatal.
C'est ce type de manoeuvre qui a sauve l'Angleterre dans la batail¬le de Londres en 1940 avec le RADAR.
C'est lui qui a assuré le succès des blindes Soviétiques toujours plus puissants et plus mobiles que le char Allemand.
C'est encore lui qui, avec la fusée de proximité a permis de lutter avec succès contre les avions suicides Japonais.
C'est lui qui a soutenu en 1943 - 1944 l’espoir des Allemands avec les V1 et les V2.
C’est encore lui qui a consommé l’écrasement définitif du Japon avec la Bombe Atomique.
Aussi loin que l'on puisse remonter dans l'histoire de l’homme et des sociétés humaines des Armées et l’art même de la guerre ont évolué en fonction du développement économique.
Chez L’homme primitif, armé de son poing et d'une massue, la guerre ne pouvait être qu'une série d'actes singuliers et la victoire finale, la somme de ces faits singuliers.
L'usage du fer, dans l'industrie (outils) a déjà transformé l’orga¬nisation et la forme de la guerre.
Mais cette progression parallèle de l’économie et des révolutions dans les Armées est surtout sensible à partir du XIVème siècle.
La poudre a canon est passée des Arabes aux Européens occidentaux et toute la conduite de la guerre est bouleversée. Les murailles jusque-là, impre¬nables des châteaux-forts des nobles tombent en ruines sous le coup des canons.,
Les balles des arquebuses traversent les cuirasses des chevaliers et la cavalerie cuirassée de la noblesse disparaît en même temps que les privilèges de cette noblesse.
L'Infanterie, l'Artillerie se créent, se développent avec une telle rapidité que l'Armée dut s'adjoindre des ingénieurs.
En même temps que se développent des armes à feu, se crée une tactique qui puisse permettre au soldat d'utiliser ces armes. C'est la tactique linéaire qui atteint son achèvement suprême sous Frederik II.
« L'Infanterie était disposée sur trois rangs en un très long quadrilatère creux et ne se mouvait qu'en bloc, masse maladroite à qui il fallait toujours un terrain plat. Il était impossible de changer l'ordre de bataille une fois l’action engagée".
Avec le fusil a tir rapide et l'expérience de la guerre d'indépendance américaine, l'ordre de bataille linéaire fait place au dispositif en tirailleurs.
Les nouvelles améliorations apportées au canon (tir automatique) oblige à l’extension des fronts et à une tactique nouvelle. La formation des colonnes en combinaison avec la méthode de combat en tirailleurs.
De ces diverses combinaisons devait naître le principe divisionnaire (corps autonome composé de toutes les armes) qui devait atteindre le sommet de la perfection sous Napoléon.
Mais un fait très important de l'action du développement économique sur l’Armée et qui mérite d'être observé se situe au lendemain de la guerre Franco-Allemande de 1870. Les armes sont déjà si perfectionnées qu'il semble que l’ère des influences d'armes bouleversantes est terminée.
La puissance meurtrière de ces armes conduit les Etats européens à constituer des Armées de réserve (système Land Wehr Allend).
L'Armée devient le but principal des Etats, le militarisme domine et dévore l'Europe,
La concurrence des divers Etats entre eux oblige d'une part à dépenser chaque année plus d'argent pour l’Armée et d'autre part à prendre de plus en plus en considération la notion du service militaire obligatoire.
Les effondrements financiers qui en furent les conséquences sont si graves que le militarisme devait périr de la dialectique de son propre dévelop¬pement.
Sur mer et dans l’air, la lutte entre le blindage et l’efficacité des tirs dans la marine, la compétition engagée entre les nations relatives à la puissan¬ce, à la vitesse, aux rayons d'action et l'autonomie de leurs avions reposent très spécialement sur la puissance et le potentiel économique des nations.
La valeur d'une Armée est en relation directe avec le potentiel économi¬que de la nation et l’art de la guerre n'est conçu qu'en fonction de la puissance des Armées.
Déjà au 6ème siècle avant J.C. la civilisation Chinoise a conduit à une conception de l’art de la guerre et les règles de combat les plus anciennes du monde sont l'oeuvre magistral du philosophe SUN TSE PING FA.
Faute de pouvoir analyser ici l’extraordinaire ouvrage pour son époque, contentons-nous de saluer en passant son génial auteur, sorte d'ancêtre spirituel de CLAUSEWITZ et de MAO TSE TOUNG. «La guerre est la continuation la politique par d'autres moyens» (CLAUSEWITZ).
II. L'Armée est une force de contrainte en politique intérieure, de violence et de guerre en politique extérieure
a)- Force de contrainte en politique intérieure.
Bien qu'une nation soit composée d'hommes ayant la même unité linguis¬tique, historique, territoriale, économique et constitutionnelle, l'existence de cette nation ne fait pas disparaître les antagonismes, les oppositions et les divergences tant entre les individus eux-mêmes qu’entre ceux-ci et les groupes ayant les memes intérêts.
Nous verrons plus loin dans le développement de l’Armée de la commune primitive aux institutions esclavagistes les processus de cette évolution.
Il a donc fallu pour arbitrer les différends, juger les individus, appliquer des sanctions, maintenir l'ordre à l’intérieur de la nation, créer un organe disposant d'une force nationale et c'est l'Etat avec tout son appareil.
Mais avec l'existence de l'Etat, naît une nouvelle série d'antagonismes, sont ceux qui peuvent opposer des individus ou groupes d'individus à l'Etat lui même. De tels différends sont tranchés par des organismes spécialisés, s'appuyant sur la loi. Mais cette loi elle-même est une émanation de l’Etat. On serait donc en droit de penser que dans de tels différends l'Etat est à la fois juge et Partie.
Il n'en est rien puisque ces lois ont été conçues exclusivement dans l’intérêt de la Nation, devant lequel tous les autres intérêts s'effacent et disparaissent.
Ainsi, disposant de la force, l'Etat oblige ses nationaux au respect des lois communes d'où l’idée de CONTRAINTE.
Là où en système capitaliste, les lois ont été faites pour protéger des biens de «MAGNAT » détenant les moyens de production au détriment d'une classe laborieuse sans laquelle ces moyens seraient des instruments sans valeur, la contrainte de l’Etat nous apparaît comme un fait inadmissible en raison de son manque de justice et de dignité.
«LA PEUR DU GENDARNE EST LE COMMENCEMENT DE LA SAGESSE» est un slogan qui ne peut satisfaire aucun esprit libre. Il met seulement à l'aise le capitaliste qui trouve dans cette phrase l’idée de la protection de ses biens et de sa suprématie sur les travailleurs.
Dans un système socialiste, la contrainte de l’Etat ne disparaît pas, mais elle se justifie et apparaît non seulement comme souhaitable, mais nécessaire.
Les moyens de production appartiennent à la nation entière, par conséquent aux travailleurs eux-mêmes qui reçoivent en retour chacun selon ses besoins et son travail. La protection de la force de l'Etat s'étend donc de la même manière sur tous les citoyens qui tous et au même degré sont propriétaires des moyens de production.
b) - Force pour la violence et de guerre en politique extérieure
Avant le 19ème siècle, l'effet doctrinal militaire n'avait porté que sur la guerre en soi, comme si celle-ci constituait une suite d'actes et d'événements indépendants.
Clausewitz a eu le mérite de situer la guerre dans son cadre logique et il nous montre que c'est bien la politique qui non seulement engendre la guerre réelle mais qui la délimite dans chaque cas particulier.
La guerre est contenue virtuellement dans la politique dont elle constitue un des éléments, parfois «l’ultima-ratio» (la dernière parole, le dernier argument). En définitive, la guerre n'est que la continuation de la politique par d’autres moyens. Il est donc impossible de considérer séparément la politique et la guerre.
L'unité du commandement politique et militaire devient dès lors une nécessité et SHARNHORST avait l'habitude de dire "sans cette unité rarement de grandes choses ont été faites dans l'histoire".
C'est bien en tant que moyen politique que la guerre se rapproche de sa forme absolue. En effet, en cas de difficultés extérieures insurmontables par d’autres moyens, c'est la pensée d'un anéantissement par la guerre qui définit le but politique.
Inversement, la destruction des forces armées ennemies entraîne des conséquences politiques.
Une guerre peut être offensive, défensive, subversive, psychologique etc. et chacune de ces formes présente des avantages et des inconvénients selon la situation militaire exacte à laquelle elle s'applique.
Mais un fait nouveau introduit dans la guerre, un facteur d'une puissance
exceptionnelle : L'ATOME. Sa puissance destructrice, ses extraordinaires effets sur la nature elle-même introduit un bouleversement profond dans les conceptions de la tactique et de la stratégie.
III . L'ARMEE N’A PAS POUR VOCATION ORIGINELLE DE
PRODUIRE DES BIENS DE CONSOMMATIONS
Dans la même nation, l’ouvrier, le paysan, l’artisan, l’éleveur etc produisent chaque jour des biens matériels introduits dans le grand circuit de l’Etat pour la nourriture, l'entretien, le bien-être et le confort de l’homme.
Le secteur public lui-même n'échappe pas à cette notion de production pour l’ensemble de la société.
Envoyer et recevoir des lettres ou des télégrammes est une forme de production réalisée par le postier.
Chez le douanier, percevoir des taxes légales au bénéfice de l'Etat, pour l’ingénieur et le chef de chantier, construire des routes, des ponts et des barra¬ges, pour le forestier, protéger la faune et le flore d'une nation, tout cela constitue dans leurs caractères particuliers des formes de productions de biens matériels.
Sauf dans des cas très particuliers, où d'ailleurs elle consomme généralement elle-même ses propres biens matériels, la production de l’Armée est purement subjective ; elle s'appelle la SECURITE, sécurité de l'Etat, sécurité des individus et sécurité de leurs biens.
Pour être en mesure d'imposer en tout temps cette sécurité, nous avons vu jusqu'ici les Armées s'emmurer farouchement à l’intérieur de leur caserne, s’instruisant dans le maniement et l'emploi des armes. Et si l’utilisation de ces armes et des hommes qui les servent est surtout prévue par les cas d'hostilités extérieures, l’emploi de cette même force pour le maintien ou pour le rétablissement de l'ordre et de la sécurité, n'en est pas moins envisagé, étudié et mis au point.
C’est en raison d'une part du caractère généralement subjectif de sa production, la sécurité et d'autre part la nécessité pour la réaliser de servir sous les armes de façon permanente, de nuit comme de jour, que l'Armée surtout dans un système capitaliste a pris jusqu'ici l’allure d'une institution d'Etat au total très éloigné du reste de la nation.
Dans un système socialiste, une telle situation se présente comme fondamentalement contraire aux principes d'unité politique et de communauté nationale tant dans le domaine idéologique que dans le domaine économique.
Au contraire, dans un système capitaliste, cet isolement de la force du reste de la nation répond à l’impératif qui tend à maintenir et s’il le faut défendre par la violence des avantages matériels acquis sur le peuple.
C'est encore être soldat et surtout l'être de façon plus complète et plus totale en s'intégrant sans embijouté dans toutes les activités d'une société que l’on prétend justement protéger en lui assurant ce qu'on appelle la sécurité.
Dans ce 20ème siècle, la notion du soldat citoyen puis militant et constructeur de nation, l'emporte et de très loin sur celle du soldat conquérant et gardien de privilèges d'empire.
IV - L'EVOLUTION
L'étude de l’évolution de l'Armée dans l'histoire des sociétés peut être envisagée suivant deux méthodes.
- La première est la méthode qui se réfère aux conceptions et aux principes d'une philosophie idéaliste. "TOUT N'EXISTE QUE DANS NOTRE ESPRIT." C'est la pensée qui est l’élément principal et c'est celle qui crée tout y compris la matière. Il devient alors clair que si nous envisageons notre sujet suivant ces principes, l'imagination qui ne reflète pas obligatoirement la vérité ou toute la vérité historique aura une place prépondérante dans l’étude.
Cette imagination, lorsqu'elle est prodigieuse et splendide et qu'elle trouve un moyen exceptionnel d'expression dans un verbe d'une richesse inégalable nous fait concevoir l'homme préhistorique selon les immortels vers de la «Légende des siècles».
La seconde méthode est celle qui se réfère aux conceptions et aux principes d’une philosophie matérialiste selon laquelle c'est la matière qui est l’élément essentiel, c’est elle qui produit l'esprit et qu'elle existe en dehors de tout esprit.
Il est certain que cette seconde méthode est simplement scientifique, est basée sur des faits, sur des raisonnements et des déductions réelles.
Nous avons choisi de faire notre expose selon la seconde méthode. Elle nous conduit à étudier l'évolution de l’Armée suivant les stades ci-après :
- Dans la Communauté primitive ;
- Dans la société esclavagiste ;
- Dans la société Féodale ;
- Dans la société capitaliste ;
- Dans la société Socialiste.
1. - L'Armée dans la communauté primitive :
a) - Troupeau primitif :
Dans la période du troupeau primitif, il n’est trouvé nulle trace en archéologie comme en ethnologie d'une organisation armée dans le troupeau,
«C’est une collectivité du paléolithique inférieur peu nombreuse et instable. A la tête se trouvait un meneur, homme ou femme». La forme rudimentaire des outils, l'âpreté de lutte contre la nature entretenait au sein du troupeau primitif, ce qu'on est convenu d'appeler L’INDIVIDUALISME ZOOLOGIQUE
b)- Le régime des CLANS
A l’époque du troupeau primitif, succède celle du régime des clans. Les membres du clan habitaient ensemble. Tous, hommes et femme élisaient et au besoin destituaient leur chef et le commandant militaire est nommé pour la durée des hostilités.
A un échelon plus élevé, se trouvait la PHRATRIE qui devenait unité de combat en temps de guerre. La tribu possédant un territoire à part, une langue propre et un culte particulier. Son conseil comprenant les chefs de clan et les chefs militaires déclarait la guerre et concluait la paix
c) - La démocratie Militaire :
C'est une transformation de la démocratie cléricale sous la poussée du développement des forces productives (élevage, culture, Bronze, fer).
Ces forces productives ont dû créer des richesses appartenant à des privés et il fallait un organisme pour défendre ces richesses et réprimer la masse sans laquelle pourtant cette richesse ne se serait pas produite. Il fallait une superstructure politique. C'est alors que naissent les unions secrètes masculines et l’admission au sein de ces unions est conditionnée par la fortune et non par des initiations, une sorte de démocratie militaire est née.
Elle est dirigée comme le clan par un chef, un conseil et une assemblée populaire, mais ces organismes ont un caractère nouveau.
Le Chef est d'abord élu mais rapidement sa charge devient héréditaire. Son pouvoir s'appuie moins sur son prestige personnel que sur ses richesses. La guerre et l'organisation du peuple à ces fins deviennent des fonctions normales de la vie humaine. On ne fait plus la guerre pour venger une violation de frontière ou pour étendre un terrain de chasse ; on la fait pour la rapine et l’enrichissement.
On élit un capitaine entre les chefs de tribu et les guerres de rapine consolident le pouvoir de ce capitaine qui s'appuyant sur les compagnies d'armes tend tout simplement de devenir ROI.
C'est ainsi que les organismes dirigeants de la démocratie clanale se détachent du peuple et deviennent leur antipode ; c'est-à-dire des organismes de domination et d'oppression dirigées contre le peuple.
L'Etat s’est édifie sur les ruines du régime des clans.
2. - L'Armée dans la Société esclavagiste :
C'est dans l’étude des caractères généraux des Armées de l’Antiquité que nous pourrons examiner les structures de cette Armée pendant la période esclavagiste,
L'Antiquité présente généralement deux types d'Armée :
- Dans le premier type, le chef militaire est obligé de partager son pouvoir avec les chefs des anciens clans ; on a alors le régime de l’Armée de la cité : Les clans restent armés et en cas de guerre tous les citoyens sont soldats
C'est l'Armée Nationale,
- Dans le second type d'Armée, le chef dispose souverainement de toute la force. Il a son armée à lui, souvent composée d’étrangers qu'il paie, l'Armée étant l'instrument de sa puissance ; c’est L’ARMEE MERCENAIRE des EMPIRES.
a) - L'Armée de la cité (l’exemple de SPARTE)
Sparte présente le type le plus complet de la cité-caserne suivant Platon, le peuple spartiate est une Armée, il forme la garnison d'une ville qui n’est qu'un camp.
Le spartiate est toute sa vie un soldat soumis à la plus stricte discipline. Mobilisable de 20 à 60 ans, il loge à la caserne jusqu'à 30 ans, mange à la caser¬ne jusqu'à 60 ans. A sa naissance, il est soumis à un véritable conseil de révision qui décide de son sort. Seul a le droit de vivre, celui qui plus tard pourra être soldat. Son éducation est strictement militaire. On l'endurcit à la souffrance, au froid, à la faim.
L'exercice physique est très développé mais la culture intellectuelle se borne à quelques poèmes guerriers.
En temps de paix, le citoyen reste mobilisé, il doit habiter la ville afin de pouvoir répondre au premier appel de la trompette. Toujours il porte l'uniforme, la tunique pourpre qui cache les taches de sang, et au repas du soir pris en commun, il se trouve à la table des 15 camarades dont à la guerre il partage la tente.
A Sparte donc, l’équation soldat = citoyen est parfaite et pour pourvoir a l’entretien de ces milliers de guerriers, la foule des non citoyens perèques et peuples vaincus, travaillent durement.
b) l’Armée des Empires (l'exemple de l’Egypte)
C'est aux grands empires qu'il faut demander le modèle achevé de l’Armée mercenaire. L'Egypte, l'Assyrie, la Perse, la monarchie d'Alexandre. Dans ces Etats, la séparation est complète entre la société civile et l'Armée.
L’ordre de l’empire est fondé sur la force. Le Chef qui s'est imposé par la conquête rè¬gne par la terreur comme les rois Assyriens ou par la crainte religieuse comme les pharaons.
L'Armée du moyen empire égyptien est permanente, différence essentielle avec l'Armée de la cité purement temporaire.
A côté de la garde personnelle du pharaon (compagnons du chef et gardes Nubiennes), la plus grande partie des troupes est formée par des recrues. Elles sont levées par les officiers du roi à raison d'une recrue pour cent hommes. Ces recrues devenues soldats n’ont plus rien de commun avec le reste de la population civile.
Les textes officiels opposent les militaires aux civils et l’on voit se former une classe militaire par suite des privilèges accordés par le pharaon à ses compagnons d'armes et à ses soldats.
L'Armée des empires apparaît comme dénationalisée. Ses citoyens continuent à en faire partie mais en petit nombre ; la longueur du service et les faveurs du chef en font un élément séparé de la société.
L'Armée permanente est constituée en majorité par des étrangers ; elle est l’instrument de puissance entre les mains du roi qui la fait vivre. Elle lui vend ses services. C'est 1'ARMEE MERCENAIRE.
c). - Rôle politique et social de l'Armée Antique :
La place de l'Armée dans la société et ses rapports avec le pouvoir civil ne sont pas les mêmes pour l'Armée citoyenne et pour l'Armée mercenaire.
Le soldat de la cité n'est que le citoyen en armes mais dans cet état purement temporaire, il reste citoyen et se mêle à la vie politique de la cité. Il prend part aux réunions de l'Assemblée, participe au vote des lois, à l’élection des magistrats.
Le soldat n'a pas de statut juridique particulier. L'équation Armée = cité est si parfaite que la constitution de la première s'applique à la seconde.
Le soldat de l'empire au contraire est un soldat de métier. Engagé en général pour un temps très long, il jouit d'un statut juridique particulier. Le Chef a besoin de lui et lui concède des privilèges ; ainsi devait naître une caste de militaire que nous retrouvons plus tard dans la noblesse d'épée.
III. L'ARMEE DANS LA SOCIETE FEODALE
Féodalité vient du mot fief. Un fief est un domaine plus ou moins étendu donné
à un chef militaire à la condition que celui-ci s'engage à fournir le service d’ost (guerre) et de tour (vassal).
Les armées féodales sont essentiellement des armées de cavaliers. Ce rôle primordial, presque exclusif, du combattant à cheval va durer jusqu'au milieu du 14ème siècle.
L'Infanterie demeure cependant mais ne joue qu'un rôle secondaire, un rôle de soutien.
Dans le combat toute manoeuvre lui est interdite. D'ailleurs quel dédain la piétaille que celui des cavaliers coiffés du heaume complété par le nasal, le corps recouvert du haubert (longue côte de maille descendant au dessous du genou) armé de l’épée longue, passée au baudrier et de la lourde lance (2 m 50 à 3 m) que l’on appuyait d'un geste majestueux sur l’étrier
Chaque cavalier est accompagné d'un ou deux écuyers qui montent les chevaux de recharge, l'aident à se mettre en selle malgré le poids énorme de l’armure, l'assistent an combat.
Au regard de ces nobles hommes, les "pédones" comptent peu ; ils existent pourtant. Ce sont des manants levés sur ses terres par le seigneur, plus tard bourgeois des communes. Leur armement est rudimentaire et hétéroclite : piques, haches, frondes, faux.
Leur valeur est si médiocre qu’à partir du 12eme siècle, l'obligation militaire de ces recrues est limitée à un jour d'affilée et ces contingents ruraux ne sont employés qu’à des opérations de police locale. C'est l'origine des MILICES paroissiales qui cesseront bientôt d'exister et l'Infanterie disparaît jusqu'a la guerre de cent ans.
La hiérarchie militaire se confond avec la hiérarchie féodale. Le suzerain vient à l’armée entoure de ses hommes. Ils se groupent autour de sa bannière.
Le Roi' est suzerain suprême.
A l’ost, (guerre), chaque seigneur amène avec lui un nombre restreint ses sujets fixé d'avance.
L'exemple le plus cité est le suivant :
Une centaine de chevaliers doivent service de guerre à l'évêque de Bayeux, mais lui-même à son seigneur immédiat, le Duc de Normandie, il ne doit que 20 hommes d'armes. Mais si le Due de Normandie réclame son secours pour l’aide du roi dont le duc est vassal, le prélat n'en fournira que 10 (dix). On assiste ainsi à un améniusement par le haut de l'obligation militaire.
C’est la raison profonde de la faiblesse des effectifs des armées féodales. La tactique des Armées Féodales est simple, c'est une action de masse de la cavalerie dans une rencontre brutale et toujours de très courte durée.
Les contingents se rangent sous les ordres de leur seigneur respectif. Un chef suprême est désigné pour chaque bataille dont le plan d'action très simple est établi par le conseil des princes.
Les charges de cavalerie se succédaient régulièrement et se terminaient par une série de combats de petits groupes voire de combats singuliers.
Deux groupes attaquaient de front et un troisième à la disposition du chef suprême servait à exécuter des mouvements tournants, à parer aux contre attaques et exécuter des poursuites. Pendant ce temps, l'Infanterie joue un rôle passif et reste immobile après avoir lâché ses flèches tout au début du combat,
De la confusion de cette période féodale se dégage un fait essentiel : le règne incontesté, du cheval.
IV. - L'ARMEE DANS LA SOCIETE CAPITALISTE
Le trait essentiel de l'Armée dans une société capitaliste est une application hypocrite des principes généraux de la démocratie.
Une telle Armée, clame-t-on doit être apolitique. On a le droit de demander pourquoi ? En réalité, force chargée du maintien de l'ordre en temps de paix la puissance des sociétés à gros intérêts impérialistes a pu en faire en même temps une force chargée de la protection des richesses acquises par les propriétaires des moyens de production.
Ainsi, dans les esprits se confondent deux notions pourtant essentiellement distinctes et souvent opposées : la notion de l'ordre public et celle de la protection des biens acquis sur le peuple par les sociétés et groupements divers à intérêt capitaliste.
Ce truchement adroit qui conduit 1'Etat impérialiste à ne jamais séparer les intérêts de la nation avec ceux d'une minorité de citoyens gros possédants constitue la première équivoque qu'aucun réel démocrate ne saurait admettre.
- Un second point qui contient de profondes contradictions, mérite également d’être examine.
- Le soldat d'une Armée capitaliste doit être apolitique, or, ce même soldat exerce le droit de vote. On est n droit de se demander comment l'impérialisme peut concilier ces deux inconciliables : être apolitique et accomplir dans le même temps l'acte politique le plus important, c'est-à-dire, le vote.
Encore une équivoque, qui cette fois va jusqu'a la duplicité.
Au reste l'apolitisme de l'Armée se trouve aujourd'hui dépassé, dans un siècle où la guerre est révolutionnaire et met aux prises, non seulement des Armées, mais encore des peuples et surtout des conceptions contradictoires de l'homme et de son destin.
En réalité, dans l'histoire des peuples aucune armée n'a jamais été apolitique et totalement neutre.
Les Armées de la convention et du Directoire défendaient contre 1'Europe un système politique nouveau.
Sous la restauration, la légende et la politique napoléonienne ont servi à l’avènement du prince président. Apres l'affaire Dreyfus, de nombreux officiers ont fait état de conception politique qui tendait à ne pas confondre la France et la République
Plus près de nous, après la victoire Allemande de 1940, le choix que l’Armée faisait entre Vichy et la Résistance était encore d'essence politique. -
Tous les chefs militaires savent aujourd'hui que les guerres modernes mettent aux prises des conceptions totales de l'homme et du monde et que pour l’emporter il ne faut pas omettre de mobiliser les esprits en même temps que le corps.
Pour vaincre, le soldat d'aujourd'hui ne peut se contenter d'un patriotisme sans contenu politique. L'exemple le plus clair est celui qui vient de se dérouler en France. Récemment, l'Armée Française a pu imposer, le 13 Mai un changement de régime à son pays parce que cette Armée avait de façon ouverte ou souterraine fait une option politique.
Prétendre réduire l'Armée à n’être que l'agent d'exécution d'une politique à laquelle elle n'aurait point pris part, constitue une dangereuse erreur.
Un soldat et plus spécialement un soldat citoyen et militant d'un peuple réellement démocratique ne peut être ni mercenaire, ni indifférent à la couleur drapeau qu'il sert.
Il doit donc savoir pourquoi il est appelé à se battre et éventuellement à faire le sacrifice de sa vie. Il doit adhérer a ce pourquoi il se bat s’il entend rester homme libre même sous les Armes, même sous l'uniforme.
Un soldat valable est donc un soldat politiquement engagé ayant fait une option démocratique définitive dans le cadre des constructions de sa nation et cadre de ses rapports avec tous les hommes de la terre entière. Mais l'Armée, grand corps de 1'Etat doit constamment observer cette vérité première.
Elle ne pourra jamais et sous aucun prétexte tenter d'imposer par la force l’idée qu'elle se fait de 1'Etat. Une telle tentative ne peut avoir pour conséquence que d’ébranler les fondements de 1'Etat, créer le désordre et la confusion, retarder gravement toutes constructions nationales et déboucher finalement sur des actes de violence et des crimes.
En définitive, s'il faut à l’armée une politique, il lui faut aussi une mystique Cette mystique, si elle repose sur une base démocratique ne peut être que la mystique de la LOYAUTE, de la LIBERTE et de la JUSTICE.
Le soldat moderne est donc un homme qui a opté pour une politique, un homme qui, pour exercer son métier, que dis-je, son sacerdoce, doit être soute¬nu par une foi ardente et des convictions démocratiques sans équivoque.
Qui dit option politique et démocratique, dit aussi libre discussion et sans contrainte. Or, une Armée en temps de guerre est entièrement, totalement tendue vers la victoire. Elle tolèrera difficilement le débat intérieur. L'esprit critique doit alors céder aux exigences de la discipline.
Dans le cas de guerre, la foi est d'autant plus efficace qu'elle est soustraite à la discussion génératrice de doute.
Voici donc que les principes fondamentaux de l'Armée, autorité, hiérarchie, discipline, semblent être les antithèses des maximes démocratiques.
De plus, l'action guerre au cours de laquelle, l’homme cherche à tuer son semblable ou à lui imposer sa volonté est absolument contraire au principe du respect de la personne humaine, de la justice et de la liberté. C'est une action de destruction de l'humanisme donc de l'esprit démocratique. Toutes ces considérations philosophiques, toutes ces thèses et ces anti thèses ne pourront jamais freiner l'action du soldat en guerre dans la mesure où il est persuadé que la cause qu'il défend est juste.
V. - L'ARMEE DANS UNE SOCIETE SOCIALISTE
Sa caractéristique essentielle est d'être une force du peuple dans lequel elle se trouve totalement intégrée. Rompant avec l'ancienne et hypocrite tradition militaire qui prétend soustraire le soldat à toute influence politique, la conception socialiste de l’armée oblige à faire de ce même soldat un citoyen et un militant. Le principe d'un commandement et d'une direction uniques étant admis, l’officier doit organiser lui-même l’éducation politique en même temps que l'instruction militaire technique de sa troupe.
Il est certain qu'un tel officier doit non seulement posséder des connaissances gé¬nérales très approfondies mais il doit encore être un militant total, c’est-à-dire un citoyen qui s'est décidé sans retour une option politique fondamentale.
L’Armée socialiste a compris depuis fort longtemps qu'elle ne pourra être complètement et totalement au service de la nation que lorsqu'elle voudra en même temps servir au bénéfice dune certaine idée, d’une certaine conception de l’homme et de son destin.
Cette idée, cette conception, c'est celle de la Liberté et de l’égalité.
C'est celle qui refuse sous toutes ses formes l'exploitation de l’homme par l'homme et de l’arbitraire basé sur la raison du plus fort.
C'est celle qui pose dans une logique matérialiste les problèmes de la guerre et de la paix,
Les forces de guerre appartiennent a une classe déterminée : la bourgeoisie impérialiste. La classe ouvrière s'oppose par nature à ces forces de guerre.
Le socialisme est l’élément principal des forces de paix parce que les fins du socialisme sont les fins de l'humanité,
C'est celle qui pose la notion exacte de la guerre juste en la définissant à partir du mouvement d'émancipation de l'humanité vers la liberté.
Est juste toute guerre qui vise à aider cette émancipation ; est injuste toute guerre qui vise à entraver, à freiner cette marche vers la Liberté.
Une guerre juste va dans le sens du progrès de l'humanité et une guerre injuste freine et ralentit ce progrès.
En définitive, la guerre ne peut être que s'il n'y a pas d'autres moyens de progrès.
Or, ces autres moyens de progrès existent encore aujourd'hui. C'est la logique fondée sur la compétition économique. Le socialisme n’est plus une idée, mais une réalité.
De la sphère exclusivement idéologique, la lutte est transformée dans le domaine de la production matérielle. La valeur d'exemple est possible à cause de l’actualité du socialisme. Elle n’est pas une simple valeur de conviction pour le futur. –
Le Général de Brigade Abdoulaye SOUMARE
Premier Commandant en Chef des Forces Armées Maliennes.
Commentaires